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Spécial Saint-Valentin - décalé, oui. Et alors ça pose un problème à quelqu'un ?
Mon mari m'a offert des fleurs. Un bouquet de fleurs, même, n'ayons pas peur des mots. Des roses. Vingt roses rouges.
Pourtant, je sais qu'il m'aime. Autant que je l'aime.
Ca m'a émue. Oui, c'est le mot. Après 20 ans de mariage, cette manifestation d'affection... romantique... tout ça... Rouge passion, vingt roses... C'est beau. Beau.
J'ai bredouillé quelques mots inaudibles, avant de l'enlacer pour camoufler mon trouble, le bouquet dans ma main, dans son dos. Ca m'émeut toujours d'enlacer mon mari, je ne sais comment l'expliquer, une sorte de perversion qui se rapproche d'une certaine inclination à la fidélité. Il était ému aussi, je l'ai bien senti, et ça m'a émue encore plus. J'ai dit "Merci mon amour, je vais chercher un vase.", consciente de la banalité de mon propos face à l'aveu d'un sentiment somme toute fort rare.
Et là, tout le tintouin des fleurs. Tu dois trouver un vase, donc. Assez haut, assez large mais pas trop, assez évasé... Tu te creuses la tête, t'as pas ça en bas, tu en es sûre. Tu mets de côté que tu as des lessives à plier, la bouffe à faire, tes messages facebook, les mails des collègues que c'est urgent, tu te concentres exclusivement sur une chose : mettre en vase les fleurs de l'amour de ta vie. Tu montes au grenier, où t'es certaine qu'il y en a un, de vase, juste comme il faut, quelque part. Tu te cognes à la poutre, tu te prends les toiles d'araignées dans la figure, mais c'est encore pire quand l'araignée en personne te tombe dans les cheveux. N'oublions pas que tu es arachnophobe. Bref, résumons : tu trouves le vase convoité, sale, couvert de poussière incrustée, il faut le nettoyer. Bilan provisoire : 15 minutes. 20 pour rendre le vase nickel. Là, tu veux retirer le plastique du bouquet. Les gosses ont pris les ciseaux, ils sont perdus, ok, t'y vas au couteau céramique, tu te niques un doigt. Ca veut pas s'arrêter de saigner, il faut un pansement, pas parce que t'es une chochotte mais parce que t'en fous partout. Y a plus de pansement, ils sont tous sur les peluches et les poupées de ta fille, alors tu t'enroules un kleenex et tu repars courageusement à l'assaut du bouquet. Les tiges sont trop longues et il y a trop de feuilles, qu'à cela ne tienne, on va couper. Les roses, ça a des épines. Tu te piques. En plus tu peux pas couper toutes les tiges d'un coup avec les ciseaux que tu as fini par retrouver : faut y aller par petits bouts. Quand c'est fini, tu places les roses dans le vase et elles ne sont pas toutes à la même longueur, rebelote, et elles finissent par avoir des tiges tellement courtes à force de couper et recouper pour égaliser que tu retournes chercher un vase plus petit. On en est à 30 minutes. Au bout d'un moment, tu finis par être satisfaite, tes fleurs sont harmonieusement arrangées et tu souris de la satisfaction du devoir accompli, tout en rassemblant emballages plastiques et rubans pour les jeter... Lorsque tu tombes sur un petit sachet. Ben oui. Le truc qui permet aux fleurs de durer plus longtemps. T'as oublié de le mettre, et impossible de l'insérer, les tiges sont trop rapprochées. Désespoir. Courage. Tu ressors les roses, tu te repiques, tu fous de la flotte partout, tu dilues le sachet, tu réarranges les roses. Tu passes la serpillière. Cette fois, c'est bon. Tu prends le vase de fleurs et... Bon sang, où vas tu le mettre ? Les roses sont rouges, ça ne va avec aucun élément de déco, dans aucune pièce. Tu optes pour la salle à manger, résignée : d'accord ça tranche avec le vert de la table, mais il n'y en a que pour quelques semaines... Grâce au sachet prolongateur. Tu fais trôner le bouquet au milieu de la table et retourne, les doigts ensanglantés et le coeur stoïque, remercier ton amour, presque sincèrement, après presqu'une heure de relations conflictuelles avec des roses.
Passent les jours et passent les semaines, et les pétales tombent. Un à un, par sadisme. Qu'en rentrant du boulot tu aies quelque chose à faire, merde ! Pas comme si y avait pas les devoirs des gosses, les lessives, la bouffe et les mails urgents des collègues, la paperasse... De temps à autres il faut changer l'eau du vase, en se piquant encore et en salissant tout... Jusqu'au jour où vient le moment de jeter le bouquet car franchement plus rien à en tirer côté esthétique. Et là... Le faire rentrer dans le sac poubelle, déjà, c'est galère. Ensuite, il se trouve que la veille, c'était moules marinières, et que les épines percent le sac. Quand on le sort, on laisse derrière soi un goutte à goutte dégoûtant de jus de moules et d'eau de vase moisie. Serpillière. Nettoyer le vase... Soulagement. 3 semaines de calvaire.
- Mon amour... J'ai dû jeter tes roses...
Oeil larmoyant d'émotion vraie, en arrière plan dans le subconscient : "Comment pourrais-je l'amener discrètement, la prochaine fois, à m'offrir un saucisson aux cèpes ?"
Mon mari m'a offert des fleurs. Un bouquet de fleurs, même, n'ayons pas peur des mots. Des roses. Vingt roses rouges.
Pourtant, je sais qu'il m'aime. Autant que je l'aime.
Ca m'a émue. Oui, c'est le mot. Après 20 ans de mariage, cette manifestation d'affection... romantique... tout ça... Rouge passion, vingt roses... C'est beau. Beau.
J'ai bredouillé quelques mots inaudibles, avant de l'enlacer pour camoufler mon trouble, le bouquet dans ma main, dans son dos. Ca m'émeut toujours d'enlacer mon mari, je ne sais comment l'expliquer, une sorte de perversion qui se rapproche d'une certaine inclination à la fidélité. Il était ému aussi, je l'ai bien senti, et ça m'a émue encore plus. J'ai dit "Merci mon amour, je vais chercher un vase.", consciente de la banalité de mon propos face à l'aveu d'un sentiment somme toute fort rare.
Et là, tout le tintouin des fleurs. Tu dois trouver un vase, donc. Assez haut, assez large mais pas trop, assez évasé... Tu te creuses la tête, t'as pas ça en bas, tu en es sûre. Tu mets de côté que tu as des lessives à plier, la bouffe à faire, tes messages facebook, les mails des collègues que c'est urgent, tu te concentres exclusivement sur une chose : mettre en vase les fleurs de l'amour de ta vie. Tu montes au grenier, où t'es certaine qu'il y en a un, de vase, juste comme il faut, quelque part. Tu te cognes à la poutre, tu te prends les toiles d'araignées dans la figure, mais c'est encore pire quand l'araignée en personne te tombe dans les cheveux. N'oublions pas que tu es arachnophobe. Bref, résumons : tu trouves le vase convoité, sale, couvert de poussière incrustée, il faut le nettoyer. Bilan provisoire : 15 minutes. 20 pour rendre le vase nickel. Là, tu veux retirer le plastique du bouquet. Les gosses ont pris les ciseaux, ils sont perdus, ok, t'y vas au couteau céramique, tu te niques un doigt. Ca veut pas s'arrêter de saigner, il faut un pansement, pas parce que t'es une chochotte mais parce que t'en fous partout. Y a plus de pansement, ils sont tous sur les peluches et les poupées de ta fille, alors tu t'enroules un kleenex et tu repars courageusement à l'assaut du bouquet. Les tiges sont trop longues et il y a trop de feuilles, qu'à cela ne tienne, on va couper. Les roses, ça a des épines. Tu te piques. En plus tu peux pas couper toutes les tiges d'un coup avec les ciseaux que tu as fini par retrouver : faut y aller par petits bouts. Quand c'est fini, tu places les roses dans le vase et elles ne sont pas toutes à la même longueur, rebelote, et elles finissent par avoir des tiges tellement courtes à force de couper et recouper pour égaliser que tu retournes chercher un vase plus petit. On en est à 30 minutes. Au bout d'un moment, tu finis par être satisfaite, tes fleurs sont harmonieusement arrangées et tu souris de la satisfaction du devoir accompli, tout en rassemblant emballages plastiques et rubans pour les jeter... Lorsque tu tombes sur un petit sachet. Ben oui. Le truc qui permet aux fleurs de durer plus longtemps. T'as oublié de le mettre, et impossible de l'insérer, les tiges sont trop rapprochées. Désespoir. Courage. Tu ressors les roses, tu te repiques, tu fous de la flotte partout, tu dilues le sachet, tu réarranges les roses. Tu passes la serpillière. Cette fois, c'est bon. Tu prends le vase de fleurs et... Bon sang, où vas tu le mettre ? Les roses sont rouges, ça ne va avec aucun élément de déco, dans aucune pièce. Tu optes pour la salle à manger, résignée : d'accord ça tranche avec le vert de la table, mais il n'y en a que pour quelques semaines... Grâce au sachet prolongateur. Tu fais trôner le bouquet au milieu de la table et retourne, les doigts ensanglantés et le coeur stoïque, remercier ton amour, presque sincèrement, après presqu'une heure de relations conflictuelles avec des roses.
Passent les jours et passent les semaines, et les pétales tombent. Un à un, par sadisme. Qu'en rentrant du boulot tu aies quelque chose à faire, merde ! Pas comme si y avait pas les devoirs des gosses, les lessives, la bouffe et les mails urgents des collègues, la paperasse... De temps à autres il faut changer l'eau du vase, en se piquant encore et en salissant tout... Jusqu'au jour où vient le moment de jeter le bouquet car franchement plus rien à en tirer côté esthétique. Et là... Le faire rentrer dans le sac poubelle, déjà, c'est galère. Ensuite, il se trouve que la veille, c'était moules marinières, et que les épines percent le sac. Quand on le sort, on laisse derrière soi un goutte à goutte dégoûtant de jus de moules et d'eau de vase moisie. Serpillière. Nettoyer le vase... Soulagement. 3 semaines de calvaire.
- Mon amour... J'ai dû jeter tes roses...
Oeil larmoyant d'émotion vraie, en arrière plan dans le subconscient : "Comment pourrais-je l'amener discrètement, la prochaine fois, à m'offrir un saucisson aux cèpes ?"
